Dina Tannous/Israël-Palestine

D.Tannous-ParvisPasteur, musicienne et palestinienne

L’Eglise évangélique luthérienne de Jordanie et de Terre sainte s’apprête à ordonner la première femme pasteur palestinienne. Elle s’appelle Dina. À 32 ans, elle est passionnée pour l’Evangile et pour sa Terre, passions qu’elle partage avec charisme.

Elle s’excuse avec le sourire : elle ne pourra pas s’entretenir avec moi en français. Elle ne parle qu’arabe, anglais, allemand, espagnol et swahili… excusez du peu. Dina impressionne de prime abord par sa simplicité et son professionnalisme. Ses interventions aux différents groupes qui l’attendent à Marseille durant son séjour sont toutes présentées avec clarté et efficacité. D’où lui vient une telle maitrise ?

 

 

Un statut de réfugiée

Ses grands-parents sont palestiniens, nés à Lod et Iaffa. Le grand-père, orphelin, est recueilli dans un orphelinat tenu par une mission luthérienne. Elevé dans cette maison, elle devient sa famille et il devient luthérien. En 1948, avec son épouse, il doit fuir son village. Ils se réfugient à Ramallah, sans supposer qu’ils ne reviendraient jamais chez eux. Espérant un sort meilleur pour leur fils, ils le font partir encore enfant pour les Etats-Unis chez un oncle. C’est en revenant voir ses parents à Ramallah que le jeune homme tombe amoureux d’une Palestinienne… Deux enfants naîtront aux Etats-Unis. La petite dernière, Dina, nait à Jérusalem. Pourquoi être revenus en Palestine, malgré leur statut précaire de réfugiés ? Parce que c’est « leur terre, leur pays », et qu’ils ne supportaient plus de vivre loin.

Une formation luthérienne

Dina reçoit sa formation à l’école luthérienne de Ramallah. L’Eglise évangélique luthérienne a en effet suivi la population dans ses déplacements contraints. Elle a ouvert une Eglise à Ramallah et dans le même temps une école. C’est là que Dina apprend l’anglais et l’allemand, grâce aux envoyés luthériens dont la plupart viennent d’Allemagne. A 10/12 ans, elle rêve d’être pasteur, mais abandonne rapidement cette idée farfelue. Les pasteurs en Palestine, ce ne sont que des hommes ! Elle aime la musique et spécialement la musique d’Eglise. C’est dans cette optique qu’elle part à son tour aux Etats-Unis pour faire des études supérieures. Pour Dina, la musique est une langue universelle qui permet de parler avec tous les réfugiés du monde. Elle participe à l’élaboration d’un nouveau recueil de chants qui comporte tous les styles de musiques. 

Après un master de musique d’Eglise et un master de théologie, elle doit rester plus longtemps que prévu loin de la Palestine. Le déclenchement de l’Intifada la contraint d’imaginer un projet aux USA. 

Un apprentissage américain

Elle se forme alors en « leadership events et management » et l’Eglise luthérienne fait appel à elle régulièrement pour organiser des évènements ecclésiaux de toutes tailles. Ses missions la conduisent dans le monde entier, au service du Conseil œcuménique des Eglises ou de la Fédération luthérienne mondiale. Elle fait de nombreux séjours en Amérique du Sud et en Afrique.

Mais toujours, une de ses priorités reste le travail avec les réfugiés, comme si sa carte « d’apatride » était gravée sur sa peau. Elle a pourtant maintenant la nationalité américaine.

Noël à RamallahAu bout de treize ans aux Etats-Unis, la Palestine la rattrape. L’évêque de l’Eglise luthérienne de Jordanie et de Terre sainte, Munib Younan, fait appel à elle pour la communauté de Ramallah et la redynamisation des activités en direction des jeunes. Après six mois de réflexion et de préparation, Dina est prête pour revenir en Palestine. (On comprend à demi-mots que son fiancé équatorien n’a pour l’instant pas la possibilité de la rejoindre).

Fondamentale non-violence 

 

Dina est donc de retour en Palestine, à Ramallah. Comment peut-elle accepter à nouveau la vie surveillée, contrôlée, limitée des réfugiés des Territoires occupés, après quinze années de liberté américaine ? « C’est très difficile. J’ai toujours envie de me révolter contre l’arbitraire des contrôles, l’arbitraire du mur qui entoure Ramallah, les difficultés de la vie quotidienne. Mais j’ai appris depuis toute-petite à transformer cette révolte en énergie créatrice. Tous les Palestiniens doivent faire comme ça. Dans l’école luthérienne, c’est la base de l’enseignement, la non-violence. Il y a eu trop de morts. La violence ne fait qu’aggraver les choses. Seule la non-violence nous permettra de trouver une issue. Je n’ai pas d’ennemis. Je combats simplement l’injustice. Israéliens, Palestiniens, nous avons tous le même Père. »

Obstinée pour la justice

Elle souligne les différentes actions de son Eglise (sa patrie dans le monde entier) : prendre en charge les réfugiés avec des services sociaux très développés, scolariser les enfants, leurs proposer des activités en dehors de l’école, accompagner les femmes dans des groupes de parole et de partage…

Avec l’Eglise évangélique luthérienne, Dina Tannous revendique la création d’un état palestinien. Elle réclame que le monde cesse d’ignorer les violations des droits de l’Homme en Palestine, que les gouvernements officiels prennent enfin position. Elle est convaincue que seul un message de paix évangélique peut transformer les communautés. Elle veut tenir bon dans l’espérance, avec l’aide de la communauté internationale. « Dites, s’il vous plaît, que palestiniens ne rime pas avec terroristes ! »

Cette jeune théologienne a en tout cas convaincu et touché son auditoire. Première femme pasteur palestinienne, elle peut s’enorgueillir de représenter de bien belle manière à la fois les femmes, les pasteurs, et la Palestine !

 

Emmanuelle SEYBOLDT

 

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