L’Esprit, le souffle, le vent, c’est le même mot qui s’écrit en hébreu ou en grec. Il n’est pas très étonnant que ce soit le souffle qui soit associé à la vie, dès les premières pages de la Bible, et à la vie que Dieu donne. Son Esprit, c’est ce souffle vivant qui anime toutes choses. Ne dit-on pas encore que « l’on rend son dernier souffle » au moment de la mort ?
Souffle et vent ont donc toujours été associés au monde spirituel. Il est intéressant alors de constater que cela a pris une forme particulière au travers d’une tradition millénaire : celle des cerfs-volants !
L’étymologie du mot « cerf-volant » viendrait de serp-volante, serp étant un mot féminin en ancien français pour désigner un serpent. Le mot serp est d’origine méridionale. En occitan, cerf-volant se dit sèrp-volaira ou sèrp-vo-lanta et désigne bien un serpent-volant. Dans la plupart des langues d’Europe, on retrouve la même étymologie ou appellation pour le cerf-volant : « dragon » ou « serpent volant ». Cette appellation peut évoquer les textes et légendes mentionnant des serpents ailés et des dragons volants que l’on retrouve dans la Bible, dans des mythologies de différentes civilisations et dans les légendes en France jusqu’au XVIIIe siècle, mais elle se rapporte surtout très directement à la forme des premiers cerfs-volants introduits ou représentés en Europe : avec leurs têtes féroces et leur longues queues, ils figuraient effectivement des dragons ou serpents volants. |
Objet millénaire, cet engin fragile, souvent très coloré, se retrouve aux quatre coins du monde, entrainant dans les airs de nombreuses croyances.
Le cerf-volant pouvait avoir des fonctions magiques ou religieuses.
Il trouve ses origines en Extrême Orient, et très certainement en Chine où il serait né il y a 3000 ans. Etroitement lié à la religion et à la mythologie, il servait à attirer l’attention des esprits, et avait souvent la forme d’un oiseau. Il fut également utilisé à des fins militaires. Equipés de harpes éoliennes, des cerfs-volants étaient lâchés de nuit pour effrayer l’ennemi et lui faire croire ainsi à la présence d’esprits malfaisants.
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Le cerf-volant fait son apparition en Occident avec le développement des échanges par les routes commerciales de l’époque.
En 1282, les témoignages de l’explorateur Marco Polo montrent déjà que les usages de cet objet ont évolué. Dans son journal de bord, l’Italien indique en effet avoir été témoin d’un vol de cerf-volant, lequel, servant à la fois d’oracle et d’instrument météo, devait déterminer s’il était de bon augure d’entreprendre un voyage.
Au delà de l’aspect ludique ou religieux, le cerf-volant fut aussi un support pour la recherche scientifique. En Thaïlande, au XVIIIe siècle, le cerf-volant du roi Narai restait en l’air toutes les nuits au moment du changement de mousson, phénomène associé aux fonctions cosmiques du souverain.
Chez les Maoris en Polynésie, le cerf-volant se nomme « Manu ». Lié aux étoiles des Pléiades, il est considéré comme un lien entre le ciel et la terre. En mai ou juin, lorsque les Pléiades – aussi appelées « Matariki » – apparaissent au même endroit que le soleil levant, c’est le signal de départ des célébrations du Nouvel An. Pendant les semaines de fête, la pratique du cerf-volant est le plus apprécié des « arts qui procurent du plaisir » et un moyen de mettre en avant sa tribu d’origine. Sans surprise, on retrouve le cerf-volant dans plusieurs scènes du folklore maori : c’est à l’aide d’un cerf-volant que Tawhaki cherche, en vain, à suivre Tangotango au ciel ou que Maui, un demi-dieu qui a dompté le soleil et domestiqué le feu, survole la terre.
Cette vieille tradition issue de la mythologie d’un cerf-volant incarnant le lien entre ciel et terre se retrouve sur tous les continents. En Extrême-Orient, on trouve des sifflets et des chandelles que le vent faisait gémir sur les cerfs-volants afin de ne pas passer inaperçu auprès des esprits. Au Guatemala, pour la Toussaint, fête des morts chez les catholiques, on fait aussi voler des cerfs-volants : les âmes des défunts errant encore sur terre en saisissent le fil pour entreprendre leur ascension vers le ciel et gagner leur salut. Au Népal, les cerfs-volants investissent le ciel pendant la grande fête du Dasein à la fin de la mousson. Selon la croyance, avec les cerfs-volants, on dit aux dieux que la récolte du riz est terminée et qu’ils peuvent faire cesser la pluie. De la même manière, on peut communiquer avec les ancêtres et guider les âmes des morts vers le ciel. |
Au Cambodge, à la pleine lune de Maskir (novembre), les mandarins faisaient voler pendant une longue partie de la nuit, de grands kleng-phongs de 3 ou 4 mètres (cerfs-volants rituels) pendant que des bonzes psalmodiaient des prières sur le terrain d’envol.
Malgré la perte de ces pratiques, on a pu voir au siècle dernier, des bonzes faisant voler leurs cerfs-volants au dessus de leurs pagodes pour détourner la malignité des esprits. Depuis le VIIè siècle en Corée, les quinze premiers jours de l’année lunaire, on écrit sur des cerfs-volants le nom et la date de naissance des enfants que l’on voulait mettre à l’abri des mauvais esprits.
Au Japon, depuis 1925, sur le seuil des maisons d’un nouveau-né, on utilise des manches à air en forme de carpe, symbole de sérénité.
Les Japonais ont absorbé une grande partie de la culture chinoise, mais ils ont développé leurs propres conceptions distinctives des cerfs-volants et des traditions.
Au Japon, ils ont été utilisés depuis les premiers temps à des fins pratiques, notamment dans la construction de nombreux sanctuaires et de temples où les cerfs-volants ont été utilisés pour lever de grandes dalles et d’autres matériaux pour les charpentiers/ couvreurs. La forme de base en rectangle du cerf-volant chinois s’est déclinée en de nombreuses formes nouvelles : grues, dragons, poissons et tortues. Ces nouvelles représentations symbolisaient la prospérité, la chance ou la fertilité.
C’est pendant la période Edo (1603 – 1867), lorsque le Japon a été fermé à tous les étrangers, que la plupart des cerfs-volants japonais que nous connaissons aujourd’hui ont été développés. Il y a environ 130 différents styles et types de cerfs-volants, et chaque région a sa propre forme. Ils sont généralement décorés avec les personnages du folklore japonais, de la mythologie et ont une signification religieuse et symbolique.
Il y a environ 200 ans, les prêtres Bouddhistes disaient aux agriculteurs que si ils faisaient voler des cerfs-volants dans le ciel, cela plairait aux dieux et aurait une influence apaisante sur la météo (soit la pluie, le vent et la foudre viendrait), et qui seraient donc plus gentils pour leurs productions avec l’espoir de s’assurer une bonne récolte. Certains apportaient la bonne fortune et d’autres les mauvais esprits. Pas plus tard qu’au 17éme siècle, les cerfs-volants étaient toujours associés principalement aux activités des chefs religieux et accessoirement à des ac-tivités profanes.
Dans certaines régions, les tiges de riz peuvent être liées à un cerf-volant comme symbole de grâce. Certains groupes religieux vendent des cerfs-volants dans les temples ou les sanctuaires pour les utiliser comme charmes contre la maladie ou la malchance.
Les cerfs-volants étaient parfois offerts afin de féliciter les parents de la naissance de leur premier fils. Les cerfs-volants arborant des peintures de héros folkloriques ou de dieux sont censés protéger et guider l’enfant nouveau-né jusqu’à l’âge adulte. Aujourd’hui, le fait de faire voler les cerfs-volants pour le Nou-vel An symbolise un acte de grâce pour les années passées et le succès et l’espoir pour la nouvelle année.
Aujourd’hui pour un Japonais, le nom “Tako” désigne communément un cerf-volant. Ce nom de “Tako” est composé de deux expressions : une qui signifie le “vent” et l’autre qui signifie un “morceau de tissu”. En assemblant ces deux expressions, on obtient le mot “Tako”.
Ce que nous pouvons retenir de cette histoire, c’est que depuis des millénaires, les Hommes se sont interrogés sur le lien entre le ciel et la terre, entre « Dieu » et les humains. Ils ont ainsi imaginés de multiples supports, symboles ou signes, parmi lesquels le cerf-volant a occupé une grande place en Extrême-Orient.
Cela ne fait pas partie de notre tradition et de notre culture occidentale mais le souffle, le vent ou l’Esprit représentent encore pour nous, dans la Bible, cette relation qui s’établit entre Dieu et nous.
Ce lien passe aussi pour nous par un autre support : la Bible, parole de Dieu pour les Hommes, paroles humaines adressées à Dieu. Ce lien a pris également une identité et un visage : celui du Christ.
Je ne sais pas si vous ferez voler des cerfs-volants le jour de Pentecôte ou cet été sur les plages… ? Mais si c’est le cas, à la lumière de cette histoire, cela deviendra peut-être pour vous plus qu’une simple activité ludique et, pourquoi pas, un support à votre prière… !?
Pasteur Christian Badet (et sources internet)
Hyères-Toulon
L’Amandier Mai 2017